Le parasitisme du poulain et les recommandations scientifiques actuelles
Par le Dr Sophie Paul-Jeanjean, responsable technique et scientifique de la gamme équine Boehringer Ingelheim.
Les jeunes poulains sont très sensibles au parasitisme ! Jusqu’au sevrage, les ascaris représentent la cible principale de la vermifugation en raison de leur dangerosité. Puis les petits strongles deviennent prépondérants. Le poulain doit donc être vermifugé au moins quatre fois au cours de sa première année de vie.
Problématiques concernant le parasitisme chez le poulain
Le poulain a un système immunitaire naïf : il n’a pas été mis en contact avec les agents pathogènes avant la naissance. Le colostrum permet d’apporter des anticorps pour lutter contre les infections bactériennes mais pas contre les infestations parasitaires. Or pour ces maladies parasitaires, les poulains peuvent s’infester dès leur naissance. Leur sensibilité est donc maximale du fait d’une immunité insuffisante.
L’acquisition d’une immunité parasitaire est variable selon les parasites. Les poulains acquièrent une forte immunité contre Strongyloides westeri, entre 3 et 10 mois par exemple. Pour les ascaris cela se passe entre 6 mois et 2 ans alors que l’immunité est lente à se développer et sera toujours incomplète pour les strongles.
Les parasites du poulain
Les parasites du poulain sont les mêmes que ceux du cheval adulte et de surcroit, il peut être infesté dès la naissance par un parasite spécifique du poulain : Strongyloides westeri. L’infestation par les ascaris concerne également les poulains jusqu’à l’âge de 2 ans, voire plus en cas d’immunité défaillante.
- Strongyloides westeri est le seul parasite équin qui peut être transmis verticalement par le lait, directement de la jument au poulain. Il est possible de retrouver des œufs dans les crottins du poulain dès la première semaine. Le pouvoir pathogène est limité sauf en cas d’infestation massive qui provoque une diarrhée vers l’âge de 10 à 14 jours, au moment de la chaleur de lait.
Cycle biologique de Strongyloides westeri, le seul parasite qui peut être transmis par le lait, directement de la jument au poulain.
- L'infestation par les ascaris est très fréquente. Cette infestation est précoce et continue car les femelles d’ascaris sont très prolifiques et les œufs possèdent une coque collante qui permet l’adhésion aux surfaces verticales. De plus ces œufs sont extrêmement résistants dans l’environnement. Les ascaris sont responsables de signes respiratoires, de diarrhée, d’amaigrissement, de retard de croissance et dans les cas graves d’une obstruction de l’intestin grêle. Les ascaris représentent la cible principale de la vermifugation des jeunes poulains en raison de leur dangerosité.
- Les petits strongles sont peu pathogènes avant le sevrage et ne sont jamais un problème avant 2 mois d’âge. La transmission est maximale en automne, il faut donc faire attention aux herbages des foals sevrés. Le phénomène d’hypobiose qui correspond à une forme de dormance des larves dans la muqueuse intestinale atteint les poulains lors de leur deuxième hiver et ne concerne donc pas les jeunes de 7-8 mois.
- Le pouvoir pathogène des grands strongles est élevé, mais ils sont presque absents des élevages utilisant un programme de vermifugation régulier. Ils ne représentent donc que peu de danger pour les jeunes poulains.
- Les gastérophiles qui sont des larves de mouches peuvent aussi toucher les poulains et occasionner des lésions au niveau de l’estomac.
- Les ténias sont fréquents. Ils peuvent occasionner des coliques graves et des diarrhées. Un traitement est préconisé en fin d’automne dès la première année, car l’infestation par ces ténias a été documentée dès 5 mois chez les poulains.
Familles de molécules efficaces pour lutter contre ces parasites
Il existe trois grandes familles de molécules nématocides, c’est-à-dire actives contre les vers ronds que sont les strongles et les ascaris : les lactones macrocycliques, les benzimidazoles et les tétra-hydro-pyrimidines. Mais les résistances des parasites à certaines familles rendent parfois inefficaces l’action des vermifuges. Schématiquement, on peut dire que les résistances sont très répandues pour les petits strongles aux benzimidazoles et dans une moindre mesure aux tétra-hydro-pyrimidines. A contrario, on constate une résistance certaine des ascaris aux lactones macrocycliques. Il faudra donc bien raisonner la vermifugation des poulains puisque ascaris et strongles sont les cibles de cette classe d’âge, notamment au sevrage.
Pour le ténia, on utilisera des molécules spécifiques qui ne présentent à ce jour pas de résistance.
Stratégies de maitrise du parasitisme chez les poulains
Pour protéger les poulains, il faut limiter la contamination des pâtures et donc diminuer la pression d’infestation dans l’environnement.
L’hygiène des locaux doit être irréprochable. Au pré, on peut conseiller de regrouper les animaux par tranche d’âge et réserver les pâtures les plus saines pour les poulains. Il ne faudrait pas utiliser les mêmes paddocks de nursery chaque année car il y a accumulation d’œufs d’ascaris. Toutes les mesures réalisées sur l’élevage seront bénéfiques, comme le ramassage régulier des crottins, le compostage des fumiers qui détruit les œufs d’ascaris ou la fauche et le hersage des herbages en période chaude et sèche.
Concernant la vermifugation, il faut trouver un équilibre entre limiter l’apparition de résistances et limiter les risques liés aux infestations. Le premier traitement doit avoir lieu à 2-3 mois contre les ascaris. Un deuxième traitement doit avoir lieu au sevrage ou avant si l’intervalle entre deux vermifugations excède trois mois. À ce stade, il est essentiel de savoir si le poulain est principalement infesté par des ascaris ou par des petits strongles, grâce à la réalisation d’une coproscopie. Cela va permettre de choisir le meilleur vermifuge possible. Enfin, il faut faire un traitement à 9 mois et un autre à 12 mois, principalement dirigés contre les strongles. Un traitement contre les ténias doit être inclus dans le traitement à 9 mois.
Conclusion
Les jeunes poulains sont très sensibles au parasitisme du fait de la mise en place progressive de l’immunité contre les parasites et la forte pression d’infestation dans leurs milieux de vie. Ils doivent donc être vermifugés de façon systématique la première année en raisonnant le choix des molécules antiparasitaires. Les mesures sanitaires visant à diminuer la pression d’infestation dans l’environnement sont également primordiales.
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Crédit photos : Boehringer Ingelheim Santé Animale, D. Gautier